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«Mlilya c'est la misère, c'est la merde. T'est dans une guerre, y a pas de loi, y a que toi et ta guerre. Toi et la manière dont tu te débrouilles. Tu galères avec la police, avec les habitants de la ville, à l’hôpital tu galères aussi parce qu'ont te reçoit pas. Tout le monde est raciste. Et puis t'as tout le temps faim…
Quand j'avais 14 ans j ai commencé à être un Harrag. Tu sais c'est quoi un Harrag ? C'est quelqu'un qui n'a pas une base fixe, il trace. Il trace, il a un but, et il faut qu'il arrive à son but. Tu vois, il passe une frontière, il en passe une autre, ça veut dire là il va souffrir vraiment. Tu peux te perdre là-dedans, vraiment. Soit tu meurs dans la merde, soit t'est tué par la police, ou par des gens, quand tu est sur la route... Par exemple, moi je suis marocain. Je suis parti à la frontière de Mlilya, près de Beninsar dans la province de Nador. Je suis parti voir cette frontière et comme ça j'ai commencé ma route. Mais c'est pas facile ! Ta route peut prendre 2 ans. 4 ans, 5 ans, ça dépend de toi. C'est pas facile de rentrer à Mlilya. Il faut passer la police. Et jouer avec la police, tu peux en mourir. Des fois ça arrive, même souvent.
Comme tu passes la frontière, t'es dans la ville de Mlilya, Mlilya c'est au Maroc. T'as passé 20% de la route. Et là commence le Ghorba, l'exil. Tu commences à être seul, tu commences à avoir faim, tu commences à te faire taper par tout le monde, tu commences à dormir dehors, dans le froid, dans la pluie, dans le chaud. Tu commences une autre vie, un autre monde. Et c'est ça être Harrag, être dans ce moment. C’est la galère qui commence. J'avais 15 ans quand j'y étais la première fois. Après j'ai fait des aller-retour. Je rentre, j'y passe 3-4 mois et je retourne au Maroc. A 14 ans je suis parti de chez moi, j'ai été à Nador et je faisais le risky directement du port de Beninsar sur les bateaux qui vont en Espagne, sans passer par Mlilya. Après tu vois les autres Harraga, il y en a plein à Beninsar, tu vois qu'ils arrivent à entrer, il disent que c'est facile, que le risque à Melilla n'est pas trop grand, il y a pas trop de monde. Mais oui, c'est un peu plus facile qu'au Maroc, mais il faut déjà entrer là-bas. Moi je suis passé par touts les postes de frontière de la ville, je suis passé même à la nage, avec un Casawy et un Slawy de Bninsar jusqu'à la digue de Mlilya. La Guardia Civil m'a pris et ils m'ont renvoyé à Bninsar. Voilà, j ai essayé et ça a pas marché, mais il faut toujours beaucoup de tentatives pour entrer dans Mlylia. Tu peux même y passer un an à cette frontière. Chaque jour qui passe c'est de l'expérience. Et cette expérience ça t'aide après, pour le bateau.» (Mohamed, Marseille 2018) 

Photo: 2015. La personne sur l'image n'est pas la personne interviewée.


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