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J'ai côtoyé et photographié ces enfants et jeunes adultes, dans cet absurde bout d'Union Européenne sur le continent africain. J'ai eu du mal à assumer mon projet: encore un projet d'une personne blanche qui va en Afrique photographier la misère... ces reproches ont raisonné dans ma tête tout le temps, pendant des années, en même temps que je continuais. Et en réfléchissant sur le sens de la production d'images, il est évident que mon regard ne sera autre chose que celui d'une personne privilégiée blanche face à des jeunes personnes racisé.e.s migrantes. Je ne pense pas que une production d'images soit possible de la part d'une personne blanche sans que cela soit problématique, étant donné que nous les blancs restons une partie du problème, et non de la solution.
Mais tout aussi absurde que ce soit-il - et je reviendrais là-dessus plus tard - Melilla est aujourd'hui une ville occupée, une ville Espagnole, où l'on paye en euros. Les politiques qui marquent la ville sont faites en notre noms, cette frontière européenne nous concerne, personnes blanches qui profitons plus que jamais de l'ordre néo-colonial du monde.
Je n'ai jamais photographié ces jeunes au Maroc, par ex. à la frontière avec Melilla, où ils sont amassés en attendant de réussir à entrer dans l'enclave, car là ils sont dans leur pays, dans leur culture, ce n'est pas à moi de faire cela pour dénoncer une situation de misère dans le monde. Je suis appelée politiquement à prendre position là où on perpétue de la violence en mon propre nom.
L'Espagne et l'UE n'accomplissent pas leur devoir de protection de ces enfants, comme ils sont tenus de le faire selon les conventions internationales signées et ratifiées. C'est à partir de là que malgré les problématiques de ma position de personne blanche, je préfère prendre ce risque et essayer, avec ces jeunes, de briser un des silences de la frontière sud.
Photo: 2018