10


Fin 2015 j'ai connu Monsif, un jeune du quartier Sidi Boujida de Fès. Avec sa petite bande, il sillonnait Mlilya à la recherche de nourriture, il lavait des voitures ou faisait la manche pour se payer l'oubli et pour s'amuser avec ses potes. Et la nuit, il partait "faire le risque" dans le port. Les nuits sont froides et humides, à midi on cherche la chaleur du soleil sur le béton. Son sourire mal-à-l'aise d'adolescent m'a certes captivée une fois ou l'autre, mais c'était pas un des garçon avec qui je m'entendais mieux. 
Rentrée à Marseille depuis trois jours, j'ai appris que quelqu'un s'était noyé dans le port en essayant de rejoindre le paquebot. Les jeunes avec qui je suis en contact sur facebook, m'ont d'abord dit que je ne le connaissais pas. Ces enfants essayent toujours de me protéger de tout ce qui est douloureux. On a fini par me dire que c'était lui, Monsif, 17 ans. C'était la nuit du 2 Janvier 2016, le coeur a du lâcher dans l'eau terne et glaciale du port. J'avais dans me pélicules de photos pas encore développées des images d'un garçon déjà mort. Un enfant grandi trop vite, avec un grand corps qu'il savait pas où mettre, pas spécialement rusé, pas spécialement sympathique. Mais un enfant avec un futur, comme tout le monde, avec une famille, des amis, des passions. Un enfant qui c'est écrasé contre la frontière des politiques migratoires et qui a sombré à plusieurs mètres sous l'eau, sous le regard impuissant de ses potes. Eux, ils sont rentrés à Fès.

Photo: 2015

Articles les plus consultés

18

17

5

1

11

12

8

15

6

13